Une lecture d’une somme sur les débuts de la colonisation japonaise : «The Island of Formosa, Past and Present» (1903), du journaliste et diplomate américain James W.DAVIDSON (1872-1933)


Jeune journaliste dans la guerre sino-japonaise à Taïwan (1895)

Journaliste puis diplomate, l’américano-canadien James Wheeler Davidson (達飛聲, 1872-1933) est arrivé à Taïwan en 1895 (il a 22 ans) comme correspondant de guerre pour rendre compte de la guerre sino-japonaise commencée l’année précédente. Il a d’abord rencontré le gouverneur TANG Jingsong à Taipei, puis assiste – il est alors vraisemblablement le seul témoin occidental, à la proclamation de la République de Formose. Il suit l’armée chinoise dans sa retraite vers le sud. Il s’est ensuite retrouvé du côté de l’armée japonaise. Il a donc été témoin de la résistance taïwanaise à la prise de contrôle japonaise, et de l’éphémère République de Formose, pour laquelle il n’a pas véritablement d’empathie, comme d’ailleurs d’autres correspondants étrangers sur place. Il a ensuite pu observer la transition du pouvoir Qing à la domination japonaise. Sans que l’on sache trop pour quels motifs précis (a-t-il joué un rôle de médiateur lors de l’entrée des troupes japonaises à Taipei?) , Davidson a été décoré par l’Empereur du Japon en 1895 de l’Ordre du Soleil Levant pour « services rendus à l’armée japonaise lors de la capture de la capitale de Formose. »



Des correspondants de guerre étrangers suivent une offensive japonaise pendant la guerre sino-japonaise, estampe de KIYOSHIKA Kobayashi, 1895

1903: Témoin attentif et prolifique d’une période charnière de l’histoire de Taïwan

Il s’installe alors brièvement comme négociant import-export dans le port de Tamsui, alors le lieu principal des échanges entre Taïwan et le continent. En juin 1897, Davidson est nommé agent consulaire américain pour l’île de Formose, par le président Cleveland. Il y reste 9 ans, et en profite pour écrire de nombreuses monographies sur Taïwan, plus ou moins développées, qui portent des titres proches, et qui semblent souvent redondantes ou répétitives. La plus connue est, en 1903 : « The Island of Formosa, Past and Present », une somme de plus de 700 pages, qui commence par plusieurs chapitres de rétrospective historique – qui sont de l’ordre des compilations convenues. On y relèvera une présentation positive de Koxinga comme premier dirigeant chinois d’envergure.

Les deux tiers de l’ouvrage sont consacrés à la période charnière des années 1870 (première incursion japonaise) au début du XXe siècle : guerre franco-chinoise ; gouvernorat de Taïwan (il a une perception positive de l’action de modernisation par LIU Ming-chuan, qualifié « d’intelligent, libéral et progressiste ») ; arrivée des Japonais ; résistances taïwanaises avec une République de Formose qualifiée de « République des papillons-Butterfly Republic »; premières années de la colonisation (avec une attention particulière portée au monde rural, et à l’impact des mesures de modernisation prises par les Japonais)… En outre Davidson, explorateur dans l’âme, a participé à quelques explorations japonaises dans les montagnes, lui permettant de découvrir les Aborigènes.

L’ouvrage est daté, touffu, mais apporte de très nombreuses données factuelles et observations précises utiles à l’interprétation. La lecture ethnocentrique de Davidson des événements est celle d’un Américain de son époque : il soutient la nécessité d’une civilisation et d’une occidentalisation de l’Asie (en l’occurrence des Chinois), fût-ce par les Japonais, porteurs des valeurs modernes. Pour autant, l’ouvrage ne dit rien d’explicite sur le colonialisme comme processus idéologique et politique : cette absence chez Davidson confirme que ce processus alors en plein développement à l’époque est pour lui une évidence qu’il n’y a pas lieu de nommer ou d’analyser au-delà des notions d’occidentalisation et de modernisation.



Diplomate américain, entrepreneur canadien et philanthrope mondialisé

En 1904, Davidson est affecté au consulat américain de Dalny, en Mandchourie, puis à celui d’Andong, également en Mandchourie. Il rejoint ensuite Pékin comme attaché commercial à la légation américaine. En 1905, il est nommé consul général à Shanghai par le président Roosevelt, puis part à Nankin. Une grande mobilité donc, qui laisse supposer qu’il n’était pas seulement diplomate de carrière, mais aussi chargé de missions politiques dans une période où la rivalité des Puissances s’exacerbe en Chine, alors qu’émerge sur la scène internationale (surtout depuis 1898) la nouvelle puissance américaine.

De retour aux Etats-Unis en 1905 pour raisons de santé, Davidson s’installe au Canada où il fait fortune dans l’industrie du bois, et emploiera dès lors sa fortune à parcourir le monde, et à installer des branches du Rotary Club, en particulier dans toute l’Asie orientale 1. Preuves de sa participation personnelle et idéologique à la mondialisation occidentale du premier XXe siècle, Davidson a été associé ou membre de la Royal Geographical Society (Londres : la RGS l’a récompensé pour sa carte détaillée de Formose, publiée en 1901), de l’Asiatic Society (Calcutta), de l’Explorers Club (New York), du Peary Arctic Club (New York), et de l’Authors’ Club.



NOTES

1 Sur l’action internationale de Davidson au Rotary, cf. une conférence de Robert Lampard, 1/12/2020: https://rotaryclubofbombay.org/robert-lampard-talks-about-rotary-internationals-marco-polo-james-wheeler-davidson/


REFERENCES

DAVIDSON James Wheeler (1872-1933), The Island of Formosa, Past and Present. History, People, Resources, and Commercial Prospects : tea, camphor, sugar, gold, coal, sulphur, economical plants, and other productions, 1903, London and New York, Macmillan, 692p. , p.279-280. Cf.https://books.google.fr/books/The_Island_of_Formosa_Past_and_Present

> Les archives de Davidson ont récemment fait l’objet d’un catalogue raisonné : WRIGHT David Curtis, LIN Hsin-Yi (ed.), From Province to Republic to Colony: The James Wheeler Davidson Collection on the Origins and Early Development of Japanese Rule in Taiwan, 1895-1905, University of Calgary Press, 2017, 688p.

Egalement : Formosa Under Japanese Rule, Taiwan Today, March 01, 1992: https://taiwantoday.tw/


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