L’indice annuel des libertés (Human Freedom Index) publié en janvier 2023 par l’Institut canadien Fraser classe Taïwan comme « le pays le plus libre d’Asie », et au 14e rang mondial parmi les 165 pays analysés selon 83 critères (Etat de droit ; libertés publiques et privées, société civile, etc.)1. Le Japon est en 16e position, et la Chine 152e.
Alors que le régime totalitaire de Pékin répète qu’il n’y a pas de valeurs universelles, et que la démocratie est « une valeur occidentale », Taipei démontre qu’une démocratie « chinoise » peut être parfaitement fonctionnelle, avec une société ouverte, une société civile dynamique, et un système très faiblement corrompu.
Sur ce terrain, la faille avec le continent ne cesse de s’élargir. La promesse chinoise d’appliquer à Taïwan le régime « Un pays, deux systèmes », est morte à Hong Kong en 2020-2021, quand Pékin y promulgue sa Loi sur la sécurité nationale, qui permet répression politique et étouffement des libertés publiques2. Les Taïwanais (y compris au sein du parti nationaliste Kuomintang, tenant du compromis avec Pékin) n’ont plus d’illusion sur le sort qui serait réservé à leur démocratie en cas d’occupation chinoise3.
Vu de Pékin, qui pointe donc au 152e rang mondial, l’argument démocratique n’a certes aucune valeur, seul le parti communiste étant légitime à décider de l’avenir des Taïwanais. En revanche, il est systématiquement mis en avant par Taipei dans sa recherche de soutiens politiques internationaux, dans le cadre de sa « diplomatie des valeurs. » . Et alors que la guerre en Ukraine est aussi un combat de la démocratie contre l’autocratie, il fonde aussi largement le soutien que les Occidentaux accordent à Taïwan.
NOTES
1 Fraser Institute, « Taiwan rated freest country in Asia in 2022 Human Freedom Index », Vancouver, 2/01/2023. URL : https://www.fraserinstitute.org/studies/human-freedom-index-2022. On peut également se référer au rapport annuel « Freedom in the World », publié le 9 mars 2023 par Freedom House, Washington D.C. : https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2023/marking-50-years
2 La formule « Un pays, deux systèmes » ( 一國兩制, «One country, two systems » ) est apparue au début des années 1980 (en 1981 en Chine ; et en 1983, semble-t-il, lors des négociations sino-britanniques sur la restitution de Hong Kong à la Chine) ; et en 1997, lors de la rétrocession de Hong Kong, pour être appliquée à l’ex-colonie britannique jusqu’en 2047, et par extension à Macao (1999) et à Taïwan (à une date évidemment non déterminée), sous le statut de « Régions administratives spéciales » (RAS/SAR). Inscrit dans la Constitution de la RPC au titre de ces RAS, et dans la Loi fondamentale de Hong Kong (Basic Law of Hong Kong), le principe est évidemment devenu politiquement caduc en 2020-2021, quand Pékin impose brutalement sa main-mise sur Hong Kong, à travers sa Loi sur la sécurité nationale (adoptée le 30 juin 2020). « Notre politique consiste à appliquer le principe dit « un État, deux systèmes » ; pour parler plus précisément, cela signifie qu’au sein de la république populaire de Chine, le milliard et demi de Chinois habitant la partie continentale vit sous un régime socialiste, tandis que Hong Kong, Macao et Taïwan sont régis par un système capitaliste. Ces dernières années, la Chine s’est attachée à redresser les erreurs « de gauche » et a élaboré, dans tous les domaines, une politique qui tient compte des conditions réelles. Cinq ans et demi d’efforts ont porté des fruits. C’est précisément dans cette conjoncture que nous avons avancé la formule « un État, deux systèmes » pour régler le problème de Hong Kong et de Taïwan. » Deng Xiaoping, 1997.
3 Ce qu’a dit crûment l’ambassadeur de Chine en France, et « loup guerrier » LU Shaye, sur BFM-TV le 3 août 2022 : « Après la réunification de Taïwan, on va faire une rééducation » . Cf. https://www.dailymotion.com/video/x8cucu0
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