Du côté du Kuomintang  : un portrait du milliardaire Terry GOU, ex-PDG de Foxconn, candidat à la candidature


1er mai 2019: Terry Gou sort de la Maison Blanche avec les cadeaux dédicacés par son « ami » Donald Trump


Mercredi 5 avril 2023, le cofondateur et ancien PDG de l’entreprise globale d’électronique Foxconn, Terry GOU (郭台銘), a annoncé qu’il envisageait de se présenter à l’élection présidentielle de 2024, s’il était sélectionné par le Kuomintang. L’occasion de présenter une pièce de la prosopographie politico-économique taïwanaise…

La biographie du milliardaire Terry GOU est représentative de certaines trajectoires entrepreneuriales taïwanaises du dernier demi-siècle. Il est né le 8 octobre 1950 à Taïwan. Ses parents, originaires de la province chinoise du Shanxi, sont arrivés dans l’île en 1949, lors du grand exode des nationalistes de Tchang Kaï-chek, militaires et civils fuyant le maoïsme. Son père était policier. Après des études secondaires, GOU est d’abord ouvrier dans une usine de caoutchouc. En 1974, alors que Taïwan n’est encore qu’un « petit dragon » émergeant, il fonde, avec un modeste prêt de sa mère,une petite usine de plasturgie, Hon Hai Precision Industry, qui emploie quelques ouvriers dans la banlieue de Taipei. Il fabrique en sous-traitance des pièces en plastique pour des téléviseurs, puis de la connectique et des circuits imprimés… En 1980, il obtient son premier gros contrat pour la fabrication du joystick d’une des premières consoles de jeux vidéo du monde, l’Atari 2600.

FOXCONN, entreprise globale et bagne industriel

Introduite en bourse en 1991, son entreprise devient Foxconn, en quelques années le plus important sous-traitant mondial de matériel informatique (pour l’électronique grand public, la micro-informatique et la téléphone mobile) pour les principales marques commerciales du monde (IBM, Lenovo, Hewlett-Packard, Dell, Acer, Apple, Asus, Intel, Motorola, Cisco, Microsoft, Nintendo, Sony, LG Group, Samsung, Nokia, HTC). GOU profite initialement du faible coût de la main-d’oeuvre taïwanaise, avant de se délocaliser en Chine (d’abord en 1988 dans la Zone économique spéciale de Shenzen, créée dans le cadre de la politique de DENG Xiaoping), puis en Asie du sud-est et en Inde, toujours à la recherche des coûts salariaux les plus faibles.


Des ateliers de Foxconn en Chine, années 2010


Les quelques 30 usines de Foxconn, employant plus d’un million de salariés, sont réputées pour l’extrême dureté des conditions de travail imposées aux salariés (dont beaucoup de femmes), surtout en Chine: ce sont des mondes clos, produisant jour et nuit, où les salariés dorment sur place dans d’immenses dortoirs, parfois battus par les gardes de sécurité. L’exploitation de mineurs et le nombre important de suicides (d’où l’installation de filets anti-suicides dans les étages) dans ces bagnes industriels du XXIe siècle ont été largement documentés. En 2012, alors que le contexte social dans certaines usines était explosif (grèves, émeutes), GOU avait comparé ces ouvriers à autant « d’animaux » à gérer… Un coup de projecteur a été récemment donné sur ces conditions de travail et de vie pendant l’épidémie de covid-19 quand, en novembre 2022, et en particulier à Zhengzhou (Henan), des ouvriers chinois de Foxconn se sont révoltés contre leur enfermement, ordonné par le régime et mis en œuvre par l’entreprise. Il se dit d’ailleurs que, fin 2022, GOU serait intervenu au plus haut niveau à Pékin pour obtenir la levée du confinement total en Chine, préjudiciable à la bonne marche des affaires.


Répression des protestations d’ouvriers de Foxconn à Zhengzhou, 23 novembre 2022


Terry GOU en politique


Gou, candidat à la primaire du KMT, 2019


C’est sur ce modèle entrepreneurial taïwano-chinois à l’heure de la globalisation, des iPhone et autres consoles Nintendo, que GOU est devenu un tycoon multi-milliardaire, l’une des plus grosses fortunes de Taïwan. Etroitement lié à la Chine continentale donc. Soutien du KMT depuis les années 1970 (mais sans en être toujours membre), GOU se lance en politique en 2019 en se présentant à la primaire présidentielle du Kuomintang : il dit avoir été inspiré pour cela en rêve par la déesse de la mer Mazu… Il est proche de Donald Trump mais, sans surprise, il met surtout en avant sa volonté de rétablir et d’entretenir de bonnes relations avec la Chine continentale : XI Jinping l’a d’ailleurs qualifié de « vieil ami »… GOU quitte alors la présidence de Foxconn pour se consacrer à la politique. Battu, il claque la porte du parti, avant de s’en rapprocher à nouveau dans la perspective de 2024. Il a donc déposé sa candidature alors qu’il n’était pas officiellement membre du KMT.


Deux amis de Gou: XI Jinping (2014) et Donald Trump (2018)


Après avoir annoncé qu’il était candidat à la candidature pour le KMT en avril 2023, Terry GOU a rapidement suscité des questions sur sa capacité à diriger le pays à la suite de plusieurs déclarations maladroites et controversées. Il a ainsi affirmé que les avions de l’Armée de libération du peuple (APL) n’encercleraient plus Taïwan s’il était élu ; qu’il établirait une industrie de robots taïwanais d’ici trois ans, et en utiliserait 80 000 pour combattre l’APL si elle attaquait la nation. Il s’est également proposé de réduire les syndicats dans les six mois après son élection, le gouvernement devant être confié à des dirigeants se comportant en PDG d’entreprise. Il a confirmé son opposition au mariage pour tous, récemment adopté à Taïwan. Partisan du nucléaire, GOU a également déclaré que les gens « auront un cancer du poumon » s’ils votaient pour le DPP, largement antinucléaire, donc présenté comme favorable à l’utilisation du charbon. GOU, par ailleurs sans doute quelque peu encombrant, a donc très vite plongé dans les sondages1. Le KMT lui préférera HOU Yu-yi le 17 mai.


Gou (gilet noir) se rallie à la candidature de Hou (blouson blanc) , le 17 mai 2023


NOTE

1 « Terry Gou stumbles in the polls », Editorial, Taipei Times, May 07, 2023. URL : https://www.taipeitimes.com/News/editorials/archives/2023/05/07/2003799296


%d blogueurs aiment cette page :