« Etat reconnu » ou « diplomatie semi-officielle » ? Il ne reste plus que 13 pays à reconnaître diplomatiquement Taïwan.


Les 13 Etats qui reconnaissent Taïwan au 1er avril 2023


Actualisation du 26 mars 2023 :  Le Honduras lâche Taipei pour Pékin

26 mars 2023 : après le Nicaragua du sandiniste Daniel Ortega en décembre 2021, le Honduras de la présidente Xiomara Castro cède à son tour aux sirènes financières de Pékin, et rompt ses relations diplomatiques avec Taïwan après 80 ans de continuité. Il ne reste donc que 13 Etats entretenant des relations diplomatiques avec Taïwan. Avec le risque de perdre le Paraguay en 2023, . Il se dit que le Guatemala pourrait également balancer à l’occasion de la prochaine présidentielle. La pression de Pékin s’amplifiant à Asuncion, un candidat de gauche à la présidentielle paraguayenne du 30 avril 2023 avait mis la rupture avec Taïwan au profit de la Chine à son programme: le conservateur Santiago Peña, du parti Colorado, ayant largement remporté l’élection, le risque pour Taipei de perdre aussi le Paraguay est écarté pour le moment.

Six des Etats qui ont « lâché » Taïwan pour Pékin sont dans ce qui était autrefois « l’arrière-cour » des Etats-Unis, après le Costa Rica en 2007 : le Panama (2017), le Salvador (2018), la République dominicaine (2018), le Nicaragua (2021), le Honduras (2023). Ce qui témoigne à la fois de la moindre pression de Washington sur cette région : les Etats-Unis délaissent désormais l’Amérique centrale, au-delà des questions migratoires et du trafic de drogues; de la présence croissante de Pékin, économique surtout, mais également diplomatique; et de la poussée de régimes « de gauche » à l’antiaméricanisme plus ou moins proclamé (clairement, dans le cas du Salvador et du Nicaragua). Sans oublier les exigences financières croissantes de certains régimes qui ont tenté de faire monter les enchères à Taipei avec de plus ou moins bons arguments.

Accessoirement, avec la réduction des partenariats en Amérique caraïbe, centrale et du sud, les dirigeants taïwanais voient se réduire la possibilité de mener leur « diplomatie de l’escale » (« stop-over diplomacy »), qui leur permet, à l’aller ou au retour d’un voyage en Amérique latine ou dans le Pacifique Sud, de s’arrêter aux Etats-Unis, et d’y mener des entretiens politiques « informels ». La présidente TSAI se rend ainsi en visite officielle au Guatemala et au Belize au lendemain de la rupture avec le Honduras. A cette occasion, elle fera escale aux Etats-Unis, à l’aller (à New York) comme au retour (à Los Angeles) : ce sera la septième fois qu’elle se rend aux Etats-Unis, toujours en escale vers d’autres destinations…




Texte au 5 janvier 2023

Les 14 Etats qui reconnaissent Taïwan au 1er janvier 2023


Depuis l’élection de TSAI Ing-wen à la présidence de Taïwan en 2016, Pékin a poursuivi sa stratégie de grignotage diplomatique  : 8 pays se sont détachés de Taipei au profit de Pékin depuis lors. Au 1er janvier 2023, il ne reste que 14 Etats reconnaissant Taipei (avec le risque de perdre en 2023 le Honduras et le Paraguay , voire le Guatemala). Qui sont tous de petits ou micro-Etats (Le Vatican étant un cas à part, compte-tenu d’un poids diplomatique non corrélé à son infime superficie). L’opinion publique taïwanaise, qui constate par ailleurs que le nombre de pays vers lesquels on peut voyager avec un passeport Republic of China-Taiwan reste très élevé (146 pays sans visa ou visa à l’arrivée au 1er janvier 2023, soit le 32e rang mondial ; contre 80 pays et 66e rang pour la Chine 1) s’en inquiète peu – 32 % seulement selon un sondage mené en décembre 2021 par la Taiwanese Public Opinion Foundation2.

D’autant que, font remarquer les comptables, la diminution du nombre de pays reconnaissant Taipei allège d’autant la facture élevée de la « diplomatie du chéquier » que la République de Chine (ROC) doit mener face à la concurrence et surtout à la surenchère de Pékin. Et ce, malgré la loi américaine TAIPEI (Taiwan Allies International Protection and Enhancement Initiative/ Initiative de protection et de renforcement international des alliés de Taïwan), qui autorise Washington à utiliser ses moyens d’aide au développement pour dissuader les pays qui maintiennent des relations diplomatiques avec Taïwan de basculer dans le camp de Pékin. Sans texte de loi formel, l’Australie et le Japon font d’ailleurs de même dans le Pacifique sud, où Pékin est à l’offensive ces derniers mois, avec de grosses promesses financières à la clé – par exemple aux îles Salomon, enjeu d’un bras de fer (provisoirement?) remporté par Pékin en 2022.

Quelques politiques à Taipei considèrent in petto que si la « République de Chine » perd des alliés – petits, mais de plus en plus coûteux, « Taïwan » engrange les soutiens d’un nombre croissant d’institutions de multiples pays, et de nouveaux amis (dont la Lituanie, particulièrement active). L’observateur peine à tenir une comptabilité exacte des délégations qui se succèdent à Taipei, et sont toutes reçues par la présidente TSAI pour des photos officielles immédiatement mises en ligne. Depuis la visite ô combien tonitruante (essentiellement grâce aux gesticulations politiques et militaires vengeresses de Pékin…) de la présidente (speaker) démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi les 2 et 3 août 2022 , on a ainsi pu relever dans le deuxième semestre 2022 la visite de délégations parlementaires du Japon, d’Australie, des Etats-Unis (plusieurs délégations partisanes ou bi-partisanes), de France, d’Allemagne, de Lituanie, du Royaume-Uni, du Parlement européen, etc.

Cette évolution en ciseaux pousserait petit à petit vers l’abandon de la référence à la République de Chine, au profit de Taïwan. Mais a comme inconvénient que la reconnaissance internationale, indispensable en droit pour agir et exister en tant qu’Etat, ne cesse de s’affaiblir. Taïwan ne peut siéger es-qualités dans des organisations onusiennes ou multilatérales – Pékin bloquant, par exemple, toute relation entre Taipei et l’OMS, au plus fort de la crise du covid-19.

Pour Taipei, le choix (impossible) entre le maintien coûteux de relations avec des micro-Etats, et le développement d’une « diplomatie semi-officielle » privilégiant des liens « non-officiels » avec des acteurs plus influents, est donc très contraint. Du G7 au Sommet pour la démocratie organisé en 2021 par le président Biden, ou au QUAD, certaines institutions occidentales accordent cependant leur soutien médiatisé à Taïwan, en n’utilisant donc plus « l’État souverain » comme critère de participation à leurs sommets.


Les pays ouverts au passeport de la Republic of China-Taiwan en 2023


NOTES

1 On se reportera à la version la plus récente du Henley Passport Index (ci-dessous): https://www.henleyglobal.com/passport-index/ranking : ainsi qu’à la liste: https://en.wikipedia.org/wiki/Visa_requirements_for_Taiwanese_citizens



2 WANG Linbin, «Taiwan’s Diplomatic Crossroads », The Diplomat, January 19, 2023.URL : https://thediplomat.com/2023/01/taiwans-diplomatic-crossroads/

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