La présidente TSAI lors du discours du Double-Dix à Taipei (10 octobre 2021)
Quelques jours après la publication du texte de Mme TSAI dans Foreign Affairs, et la présidente taïwanaise, et le dirigeant communiste XI, ont chacun prononcé un discours à l’occasion du 10 octobre (le Double-Dix), commémoration du soulèvement de 1911 qui a entraîné la chute de la dynastie mandchoue des Qing (1644-1911), et mené à la proclamation officielle de la République de Chine le 1er janvier 1912, avec SUN Yat-sen (1866-1925) à sa tête1.
Avec d’ailleurs une divergence calendaire habituelle. A Taïwan, cette commémoration se tient le 10 octobre, qui est la fête nationale de la République de Chine2. A Pékin, où la fête nationale est célébrée le 1er octobre, jour anniversaire de la proclamation de la République populaire en 1949, on commémore le soulèvement de 1911 dès le 9 octobre, manière évidemment de précéder le 10 octobre du gouvernement de Taipei, dont les autorités communistes ne reconnaissent pas la souveraineté sur l’île.
Le discours de XI Jinping dans le Palais de l’Assemblée du peuple, à Tienanmen, a apparemment évité la rhétorique militaire qu’il pratique volontiers, et plutôt évoqué «la réunification pacifique » – l’adjectif a été repris trois fois, réunification qui « devra être réalisée et le sera. » En réalité, il a aussi violemment attaqué les «sécessionnistes [taïwanais] (…) le principal obstacle à la réunification avec la mère patrie, et un risque sérieux pour le renouveau national » : une catégorie qui inclut les partisans du PDP, et tout particulièrement la présidente TSAI Ing-wen. Lesquels sont des « traîtres à la patrie » qui seront « jugés par l’histoire.» Et les médias du continent ne se sont pas privés de décrire de manière détaillée la façon dont Taïwan serait écrasée en cas de guerre suivant une déclaration d’indépendance de Taipei.
Pour une large majorité des Taïwanais, la revendication des moyens « pacifiques » sonne curieusement dans le contexte actuel des incessantes incursions de l’armée de l’air chinoise dans la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan, et alors que la prise de contrôle policière de Hong Kong à partir de 2019, a porté en 2021 un coup fatal au principe « un pays, deux systèmes ». On aura d’ailleurs noté que les Hongkongais, au nom des menaces possibles contre la Loi de sécurité nationale, ont été interdits de toute célébration du 10 octobre, et que la maison de SUN Yat-sen à Hong Kong a été encerclée par la police pour y empêcher tout rassemblement.
De son côté, le lendemain, devant le palais présidentiel de Taipei, TSAI Ing-wen a répondu à XI sur les principes : « Taïwan doit résister à l’annexion ou à l’empiétement de sa souveraineté. (…) L’avenir de la République de Chine doit être décidé par la volonté du peuple de Taïwan. » Elle rappelle une double volonté de Taïwan : engager des pourparlers d’égal à égal avec Pékin (ce que Pékin refuse catégoriquement depuis son élection en 2016) ; mais aussi se défendre en cas d’attaque3. Réaffirmant sa volonté de maintenir le statu quo (c’est-à-dire la non proclamation de l’indépendance formelle de l’île, qui serait un casus belli immédiat pour Pékin), la présidente a ensuite repris ce qu’elle venait de développer dans son long article dans Foreign Affairs : « face à l’expansion de l’autoritarisme » Taïwan est « en première ligne pour défendre la démocratie ». Ce que, conclut-elle, plusieurs capitales importantes (elle cite Washington, Tokyo, Canberra et Bruxelles) prennent désormais de mieux en mieux en compte.
Taipei comme Pékin se revendiquent de SUN Yat-sen : il a d’ailleurs un mausolée à Nankin, et un mémorial à Taipei, tous deux inspirés de l’architecture chinoise classique. Mais rarement les héritiers de SUN sur les deux rives du détroit de Taïwan seront apparus autant divisés qu’en ce 10 octobre 2021…



Le discours de XI Jinping devant l’ANP à Pékin le 9 octobre 2021 (images de l’agence de presse officielle Xinhua)

NOTES
1 SUN est précipitamment rentré de Californie où il levait des fonds pour la révolution.
2 Une autre fête, le 28 février, commémorant depuis les années 1990 les événements de 1947, est peu à peu devenue une fête nationale-bis, plus spécifiquement taïwanaise.
3 Quelques jours plus tard, la présidente révélera d’ailleurs sur CNN la présence sur le sol taïwanais d’un certain nombre de militaires américains (quelques dizaines de marines et de forces spéciales) participant à l’entraînement des forces armées.
Sources : revue de presse internationale.