

Questions internationales consacre une riche livraison aux deux Corées. Un thème rarement abordé par les revues françaises, malgré une actualité géopolitique, à la fois missilière et nucléaire, sans cesse relancée par « Rocket Man », le surnom que le président Trump avait donné au dirigeant nord-coréen Kim Jong-un. Les auteurs et autrices traitent donc d’histoire, d’identités, de mémoires de la guerre, de relations bilatérales et internationales de Pyongyang et de Séoul, d’économie et de soft power… Nous consacrons un encadré au « Poids de l’histoire et tensions mémorielles dans les relations entre le Japon, la Corée du Sud et Taïwan », contrepoint et complément à l’article que nous avions consacré aux « Écritures de l’histoire et lieux de mémoire : les redéfinitions identitaires à Taïwan », dans Diplomatie no 113, en janvier-février 2022.
Retour sur Trump et la Corée du Nord, entre 2017 et 2021
A l’heure de l’hypothèse d’un retour de Trump à la Maison Blanche, le dossier nord-coréen peut être pris comme exemple de ce qu’a été la diplomatie trumpienne. De 2017 à 2021, la politique de Donald Trump envers la Corée du Nord a alterné virulence verbale et tentatives de diplomatie. En 2017, Trump initialement adopte une rhétorique belliqueuse envers Kim Jong-un, le qualifiant de « Rocket Man » et menaçant la Corée du Nord de « feu et de colère ». L’année suivante, une rencontre se tient cependant entre les deux dirigeants. Les 12 et 13 juin 2018 s’est tenu dans un hôtel de Singapour un sommet historique entre Donald Trump et Kim Jong-un: c’est la première rencontre entre un président américain en exercice et un dirigeant nord-coréen. Lors de rencontres en tête-à-tête entre Trump et Kim, et de réunions élargies avec des délégations des deux pays, l »objectif principal était de discuter de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, et d’améliorer les relations bilatérales. Les discussions ont été qualifiées de cordiales et de constructives, et les deux dirigeants ont signé une déclaration commune dans laquelle la Corée du Nord s’engageait à travailler vers une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne, tandis que les États-Unis promettaient des garanties de sécurité à la Corée du Nord. Mais cette déclaration commune était vague et ne détaillait ni calendrier, ni mécanismes concrets pour la dénucléarisation. Malgré l’optimisme initial, les progrès vers la dénucléarisation se sont révélés lents et difficiles par la suite, et les relations entre les deux pays ont connu des hauts et des bas depuis le sommet de Singapour.
La rencontre au Vietnam en 2019 entre Donald Trump et Kim Jong-un a été un autre moment-clé. Le sommet s’est tenu les 27 et 28 février 2019 à Hanoï. Son objectif était de faire progresser les discussions sur la dénucléarisation de la Corée du Nord, suite au sommet de Singapour en 2018. Le sommet de Hanoï s’est terminé de manière abrupte. Les négociations ont échoué principalement en raison d’un désaccord sur la manière d’aborder la question de la dénucléarisation et des mesures de levée des sanctions économiques imposées à la Corée du Nord. Les États-Unis exigeaient une dénucléarisation substantielle avant d’offrir des concessions significatives, tandis que la Corée du Nord demandait une levée plus rapide et importante des sanctions en échange de mesures partielles de dénucléarisation. En 2019, les négociations s’effondrent à nouveau lors du sommet de Hanoï. En 2020, malgré une diplomatie intermittente, aucun progrès ne s’est concrétisé, et les tensions sont restées élevées, en raison de la multiplication des essais balistiques nord-coréens. En fin de mandat, en 2021, les relations restent figées, avec des signes sporadiques de détente lors d’échanges verbaux occasionnels entre Trump et Kim mais sans aucune avancée significative vers la dénucléarisation.
Les réactions de Séoul aux rencontres de 2018 et 2019 entre Trump et Kim ont été mitigées mais généralement positives, avec un espoir prudent pour une détente dans la péninsule coréenne. Le président sud-coréen Moon Jae-in a eu plusieurs réunions avec Kim Jong-un en 2018. La rencontre la plus médiatisée et significative a eu lieu le 27 avril 2018 à Panmunjom, à la frontière intercoréenne. Cette réunion historique a abouti à la Déclaration de Panmunjom, dans laquelle les deux dirigeants se sont engagés à travailler pour la dénucléarisation de la péninsule coréenne et à œuvrer pour une paix permanente dans la région. Les deux dirigeants se sont rencontrés à nouveau en mai, en amont du sommet de Singapour de juin, puis en septembre 2018. Le président sud-coréen Moon Jae-in a diplomatiquement salué le sommet de Singapour comme « un pas important vers la paix et la dénucléarisation de la Corée du Nord ». Il a joué un rôle de médiateur dans les préparatifs du sommet. Après l’échec du sommet de Hanoï en 2019, la Corée du Sud a exprimé sa déception, tout en continuant à soutenir les efforts diplomatiques visant à résoudre le conflit. Moon Jae-in a continué à plaider en faveur de la reprise des négociations entre les États-Unis et la Corée du Nord, sans grande illusion cependant sur la situation sécuritaire dans la région. Et, au même moment, Trump en direction de Séoul multipliait les exigences verbales d’une augmentation massive de la contribution sud-coréenne aux frais des forces américaines dans la péninsule.

Rencontre à Panmunjom, 30 juin 2019