
HSIAO Bi-Khim, sur le ticket du candidat DPP William LAI
Le suspens aura duré jusqu’à l’enregistrement définitif des candidatures par la Commission électorale centrale (CEC), ce vendredi 24 novembre. Un des candidats, auto-proclamé en septembre, a finalement renoncé : c’est Terry GOU (郭台銘), fondateur et ex-PDG de l’entreprise électronique globale Foxconn. Et les deux candidats KMT et TPP qui se disputaient depuis des semaines pour savoir qui présiderait le ticket ne se sont finalement pas mis d’accord. Restent donc trois tickets candidats pour la présidence et la vice-présidence1.

Le ticket du parti démocratique populaire (DPP, parti vert) est formé par William LAI (LAI Ching-te , 賴清德) médecin, et actuel vice-président de TSAI Ing-wen ; et par l’ex-représentante de Taïwan aux Etats-Unis pendant 3 ans (elle y était très populaire auprès des élus américains, semble-t-il), HSIAO Bi-khim (蕭美琴), qui avait auparavant été députée pendant 10 ans2. HSIAO Bi-Khim est née en 1971 à Kobe (Japon) d’un père taïwanais – pasteur presbytérien – et d’une mère américaine. Elle a passé une bonne partie de sa jeunesse aux Etats-Unis, où elle a fait ses études3. Elle est proche de la présidente TSAI, leurs parcours personnels étant assez comparables. LAI est donné avec une légère avance sur les autres candidats dans les sondages publiés ces deux derniers mois. Mais l’envie de changement, voire de dégagisme, d’une partie de l’électorat après 8 ans de gouvernement du DPP pourrait lui être négative.

Le ticket du parti nationaliste Kuomintang (KMT, parti bleu) est formé par HOU You-yi (侯友宜), ancien chef de la police et actuel maire de New Taipei ; et à la vice-présidence JAW Shaw-kong (趙少康), actuel président de la Broadcasting Corporation of China (中廣). La trajectoire politique de ce dernier est un peu sinueuse : membre de la faction Nouvelle Alliance du KMT, il avait quitté celui-ci lors d’une scission en 1993 pour former le Nouveau Parti (New Party), favorable à un rapprochement avec Pékin. Avant d’être réintégré dans la parti nationaliste en 2021. JAW est réputé encore très proche de Pékin. L’absence d’une femme dans ce ticket KMT, outre qu’il reflète le conservatisme patriarcal du parti, pourrait faire perdre des voix au candidat.

Le ticket du parti du peuple de Taïwan (Taiwan People’s Party, TPP, parti blanc) est formé de son président KO Wen-je (柯文哲), également médecin et ancien maire de Taipei ; et par la parlementaire TPP Cynthia WU (吳欣盈). Cette dernière, diplômée d’universités américaine et britannique, est cadre dans la compagnie d’assurances paternelle, et a été élue députée TPP à la proportionelle en novembre 2022, à l’occasion d’une élection partielle. Ses critiques disent qu’elle a surtout été choisi par KO pour sa surface financière héritée, permettant de financer la fin de la campagne électorale. KO se présente comme « le leader des oppositions » au DPP. Il est crédité dans les sondages d’un niveau équivalent à celui de LAI, du fait en particulier d’un électorat déçu par les insuffisances du DPP au pouvoir depuis 2016 sur les questions économiques et sociales ; et grâce à une campagne électorale sur les réseaux sociaux bien reçue chez les jeunes.
HOU et KO ont négocié pendant des semaines et jusqu’à la dernière heure pour un éventuel ticket commun. Une démarche qui s’est heurtée à l’ego des deux candidats, qui s’appuyaient sur des « sondages » contradictoires pour prétendre chacun à la première place. Il semble bien que le KMT était demandeur principal d’un accord (ce qu‘a d’ailleurs confirmé Eric CHU, dirigeant du KMT et candidat malheureux à la présidentielle de 2016, face à TSAI Ing-wen) ; et que KO avait décidé depuis longtemps de voler de ses propres ailes sauf à obtenir la place de candidat présidentiel sur un ticket avec le KMT. Une rencontre télévisée dans un grand hôtel de Taipei, quelques heures avant l’échéance du dépôt des candidatures, s’est conclue en direct dans la cacophonie générale par la rupture KMT-TPP, le troisième candidat auto-proclamé également présent, Terry GOU, jetant alors l’éponge. L’échec de l’accord porte surtout préjudice au candidat KMT, qui risque bien de se trouver en troisième position en janvier, y compris du fait d’une campagne languissante. Au grand dam de Pékin, dont il est manifestement – et logiquement- le candidat préféré. En attendant, au 24 novembre, les trois candidats sont crédités de 20 et 30% des suffrages par les derniers sondages.
Les inscriptions pour les législatives, qui se tiendront également le 13 janvier, sont désormais closes. Selon la Commission électorale centrale, 315 candidats se sont inscrits pour les 73 sièges de députés des circonscriptions uninominales; et 16 partis politiques ont déposé leurs listes, avec un total de 178 candidats, pour les 34 sièges pourvus à la proportionnelle (at-large seats). Il y aura également trois députés élus par les membres de la circonscription des peuples autochtones des Basses terres (Lowland Indigenous People Constituency) et trois par la circonscription des peuples autochtones des Hautes terres (Highland Indigenous People Constituency). Les commentateurs s’interrogent, depuis hier, sur l’impact de l’échec des négociations KMT-TPP pour la présidentielle, sur la coalition des deux mêmes partis actée pour les législatives…
NOTES
1 Cf. « Three-Way Race. Hou, Ko to run separately, as Gou quits », Taipei Times, 25/11/2023. URL: https://www.taipeitimes.com/News/front/archives/2023/11/25/2003809674
2 L’appellation officielle de l’ambassade de facto de Taïwan à Washington est : Taipei Economic and Cultural Representative Office (TECRO). HSIAO peut apporter son expérience internationale à LAI, qui en est assez dépourvu.
3 Cf. CROWLEY Michael, « One of the Most Influential Ambassadors in Washington Isn’t One. Taiwan’s representative, Bi-khim Hsiao », The New York Times, Jan. 21, 2023. URL:https://www.nytimes.com/2023/01/21/us/politics/taiwan-diplomat-china.html ; & : VAULERIN Arnaud, « A Taiwan, Hsiao Bi-Khim, la femme qui marche vers la présidentielle », Libération, 19/11/2023. URL: https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/a-taiwan-hsiao-bi-khim-la-femme-qui-marche-vers-la-presidentielle-20231119
