L’archipel japonais compte environ 14000 îles, dont 400 sont habitées. Les îles lointaines, appelées ritou en japonais (離島« îles éloignées / outlying islands »)1, tracent une bonne partie des frontières extérieures du Japon, et représentent la moitié de sa zone économique exclusive (ZEE), grâce à leur richesse halieutique et ponctuellement à leurs potentielles ressources énergétiques sous-marines. Et, en dépit de leur petite taille (2 % de la superficie du pays) et de leur faible population (à peine quelques pourcents de la population totale), elles jouent un rôle important et dans la définition de l’identité du Japon comme nation et puissance maritimes ; et dans les enjeux stratégiques qu’elles représentent du fait de leur localisation. C’est le cas d’une bonne partie des « îles du Sud-Ouest » en dehors de l’île d’Okinawa (et ses 1,5 million d’habitants), pour lesquelles on utilise soit le vocable historique (l’archipel des Ryūkyū) ou le vocable géographico-administratif (l’archipel du Sud-Ouest / Nansei shotō). Parmi ces îles, Yonaguni, « la plus occidentale du Japon », et « la plus proche de Taïwan »…

Yonaguni, le point le plus occidental du Japon
En mer de Chine orientale, l’île japonaise de Yonaguni (与那国島, Yonaguni-jima), extrémité de l’archipel Yaeyama, et située dans la préfecture d’Okinawa, est un confetti : 11km de long et 4km de large, moins de 29km2, environ 1700 résidents permanents2.


Pourtant, du fait de sa localisation, et de sa militarisation en cours, elle alimente de plus en plus fréquemment la chronique des médias japonais, au point de sembler devenir un micro-laboratoire des enjeux géopolitiques régionaux, et d’être parfois qualifiée de « petite ligne de front » (tiny frontline)3. Car, à plus de 2000km de Tokyo, Yonaguni est le point le plus occidental du Japon, à l’extrémité de l’archipel Nansei, qui s’étire entre Kyūshū et Taïwan, parfois comparé à une fine queue de dragon. Partant, Yonaguni se trouve à proximité immédiate de deux points chauds : au nord, à 80 milles nautiques (150km), les îles Senkaku, contrôlées par les Japonais mais revendiquées par Pékin, qui les nomme Diaoyu (et par Taïwan, sous l’appellation de Diaoyutai) 4 ; à l’ouest, à 58 nautiques (108km), Taïwan, également revendiquée par la Chine5. Et Yonaguni est à proximité des quelques passages maritimes permettant d’accéder des hauts fonds de la mer de Chine à la fosse océanique des Ryūkyū, c’est-à-dire aux eaux profondes du Pacifique, indispensables à la manœuvre des sous-marins nucléaires chinois lanceurs d’engins. Les détroits qui permettent d’accéder au Pacifique sont régulièrement empruntés par la marine chinoise, au nom du principe de « passage inoffensif » défini par le droit maritime international. Mais la proximité de ces détroits avec des installations militaires stratégiques, japonaises et américaines, implique une surveillance de tous les instants des activités des forces armées de la région 6.
Les gesticulations chinoises en mer de Chine orientale et dans les eaux japonaises
Les gesticulations chinoises dans les eaux japonaises sont quotidiennes: leur liste est tenue à jour par le ministère japonais de la Défense, et elle est chroniquée dans les médias nippons. En août 2022, en réponse à la visite à Taïwan de la présidente de la Chambre des représentants américaine de l’époque, la démocrate Nancy Pelosi, Pékin a lancé une douzaine de missiles balistiques autour de Taïwan : l’un a amerri près de Yonaguni, cinq autres sont tombés dans les eaux proches des îles Yonaguni et Hateruma, dans la zone économique exclusive (ZEE) du Japon. Des bâtiments de la marine chinoise (y compris, très récemment, des porte-avions), mais aussi des aéronefs et des drones, circulent ainsi de plus en plus fréquemment dans le détroit séparant Yonaguni de Taïwan (Yonaguni Gap). En août 2024, en route vers la mer des Philippines, et après avoir longé les îles Senkaku, deux destroyers chinois franchissent le détroit séparant Yonaguni de Taïwan, par ailleurs emprunté presque quotidiennement par des avions ou drones chinois. Au retour, ils rentrent en mer de Chine en naviguant entre les îles Amami et Yokoate. Fin septembre 2024, après avoir dépassé les îles Senkaku, le porte-avions Liaoning et son important groupe naval franchissent pour la première fois les « eaux contiguës » japonaises entre les îles de Yonaguni et d’Iriomote en direction du Pacifique7.
Par le passé, la marine chinoise traversait principalement le détroit de Miyako pour pénétrer dans la mer des Philippines (entre 50 et 100% des passages dans les eaux japonaises selon les années entre 2018 et 2023). Ces dernières années, la marine chinoise utilise de plus en plus fréquemment le canal de Yonaguni (de 0 % avant 2020 à 26,6 % en 2024), avec un nombre croissant de navires de combat majeurs (destroyers et frégates, et désormais porte-avions), dans une logique d’entraînement opérationnel dans un potentiel champ de bataille à venir8. Ces passages et ces manœuvres sont autant de messages, tant à Taïwan qu’au Japon, sur la capacité de la marine de l’APL à mener des exercices navals et de chasseurs-bombardiers à grande échelle loin de leurs bases du Fujian ou de Haïnan. Ce que confirment aussi les sorties fréquentes des hélicoptères chinois de lutte anti-sous-marins à partir de leurs navires-supports. Mais s’y multiplient aussi les passages de « navires de recherche hydrographique » chinois, qui fréquentent moins le canal de Bashi, mais beaucoup plus le canal de Yonaguni, tout en se rapprochant progressivement du littoral taïwanais du Pacifique, où mouille, dans le port de Su’ao, une partie importante de la flotte de combat taïwanaise. Ces « navires de recherche » déposent régulièrement, sans déclaration officielle auprès des autorités japonaises, des « bouées de recherche météorologiques et hydrographiques ». Autant de signes de la volonté chinoise de préparer le déployement sur zone de ses sous-marins à propulsion conventionnelle ou à propulsion nucléaire, circulant de manière autonome, ou accompagnant la flottille des porte-avions9.
La militarisation japonaise (et américaine) de l’île de Yonaguni
Si la Chine décidait d’envahir Taïwan, la tentation pourrait être grande à Pékin d’envahir en même temps certaines des îles les plus occidentales du Japon – à commencer par Yonaguni. En réponse à cette pression chinoise croissante, Tokyo a entrepris depuis 201410de militariser l’île de Yonaguni, qui n’abritait jusque-là aucune force militaire ou paramilitaire11: d’abord par l’installation d’une station radar « de surveillance côtière » opérationnelle en 2016, devenue ultérieurement « station avancée d’alerte rapide »; puis d’un petit contingent des Forces terrestres d’autodéfense, rejoint en 2024 par un « détachement d’une unité de guerre électronique […] « pour brouiller les signaux des forces et des stations radar hostiles », alors que se termine le déploiement dans l’île voisine d’Ishigaki d’une base de missiles sol-sol, sol-mer et sol-air. Une batterie de missiles Patriot est déployée à Yonaguni depuis 2023. Le déploiement de missiles sol-air et sol-mer à moyenne portée est discuté en 2025.

Le 17 mai 2024, dans le cadre d’une tournée dans les Ryūkyū, Rahm Emanuel, ambassadeur des Etats-Unis au Japon depuis 2022, rend visite aux autorités et au contingent japonais de Yonaguni. Il a veillé à se faire photographier avec le maire de Yonaguni12devant le monument marquant l’extrêmité occidentale du Japon, face à Taïwan et aux Senkaku13. Cette visite, qui coïncide avec le 52eanniversaire de la restitution de la souveraineté sur les Ryūkyū au Japon, a souligné l’importance croissante de Yonaguni dans les calculs sécuritaires du Japon et de son allié américain, qui y font de fréquentes manoeuvres conjointes.

A l’occasion des manœuvres conjointes Resolute Dragon 24 d’août 2024, l’aviation japonaise a transporté à Yonaguni, au profit du 12e Régiment côtier de Marines américains (MLR) un radar de surveillance multimissions (AN/TPS-80 Ground/Air Task Oriented Radar)14. Tokyo envisage de déployer à Yonaguni début 2025 un prototype de radar « au-delà de l’horizon » (over-the-horizon radar, OTH), et qui permettrait à partir de 2029-2030 « une surveillance plus avancée des menaces aériennes et navales [chinoises] 15».


Le rapprochement des élus taïwanais et de leurs homologues de Yonaguni, et leurs projets économiques
Dans une perspective plus économique, des initiatives apparemment anodines, mais politiques, font sens. Les autorités taïwanaises entendent dynamiser leurs liens avec Yonaguni, et réciproquement. En octobre 2022, Wei Chia-hsien, maire de Hualien, une des principales agglomérations de la côte Pacifique de Taïwan, accompagné d’une délégation d’élus locaux taïwanais, est venu à Yonaguni pour marquer le 40e anniversaire du jumelage entre sa ville et la municipalité japonaise16.

Il a été rappelé pour l’occasion que les personnes et les marchandises circulaient librement entre Yonaguni et Taïwan pendant les 50 ans de domination coloniale japonaise sur Taïwan, entre 1895 et 194517. Et que la municipalité de Yonaguni avait, à plusieurs reprises dans les années 2000, demandé au gouvernement central que soit créée une « zone spéciale pour les échanges transfrontaliers », incluant des services de ligne maritime directe vers et depuis Hualien. L’objectif étant de faire de Yonaguni une sorte de « porte d’entrée occidentale » vers Okinawa et l’ensemble du pays. Tokyo avait refusé faute d’infrastructures portuaires adaptées sur l’île, et craignant sans doute de mécontenter Pékin. La municipalité avait donc du se contenter d’ouvrir en 2007 un éphémère bureau de liaison à Hualien. Depuis Yonaguni demande que soit construit un nouveau quai pouvant accueillir de plus gros navires, demande qui rejoint d’ailleurs celle des militaires 18. En juillet 2023, You Si-kun, alors président du parlement taïwanais (parti démocrate progressiste DPP, indépendantiste) a conduit, à bord d’un ferry, une délégation d’élus locaux et nationaux jusqu’à Yonaguni « pour étudier l’hypothèse d’un service maritime régulier pour renforcer les liens entre Taïwan et le Japon, en particulier les échanges touristiques.19». En septembre 2024, une compagnie taïwanaise se propose d’ouvrir une ligne aérienne régulière jusqu’à Yonaguni20.
Des plans d’évacuation des populations qui inquiètent ces dernières
Plus récemment, « en prévision de situations comme une urgence à Taïwan », Tokyo a décidé de construire des « abris de protection civile » dans les îles Sakishima, dont Yonaguni, avec des réserves de nourriture pour deux semaines et du matériel de communication21. Dans un premier temps sont concernées les îles de Yonaguni, Ishigaki, Miyakojima, Taketomi, et Tarama. Et comme toutes les autres îles japonaises habitées des Ryūkyū, un « plan d’évacuation en cas de catastrophe ou de conflit » a été présenté à la population locale et notifiés aux préfectures japonaises22. La planification prévoit que les populations des groupes d’îles des Ryūkyū les plus éloignés (donc principalement l’archipel de Sakishima) , soit au minimum 120000 personnes, seront ventilés entre différentes préfectures du sud du Japon, principalement dans l’île de Kyushu (Fukuoka, Kumamoto, Kagoshima, Miyazaki, Nagazaki, etc.). Les habitants de Yonaguni seront ainsi évacués dans la préfecture de Saga. Un exercice de défense civile a été organisé à Yonaguni en mai 2024 23. Le principal cas de figure mis en avant par les autorités est celui d’un violent tremblement de terre dans la région suivi d’un tsunami ; mais tout les habitants ont bien perçu que c’était l’hypothèse d’un conflit majeur à Taïwan (« in the event of a Taiwan contingency ») qui justifiait ces plans d’évacuation. Pour Pékin, la construction de ces abris « ne peut qu’exacerber les tensions régionales à l’heure du 80e anniversaire de la victoire de la Chine contre l’agression impérialiste japonaise [débutée en 1931] », qui sera commémorée en septembre 2025.

La militarisation progressive et encore très relative, mais visible, suscite, là comme ailleurs, des inquiétudes et des réticences. Inquiétude parce qu’elle conforte l’hypothèse d’un conflit majeur à Taïwan, et la possible arrivée d’un flot de réfugiés taïwanais ; réticences liées au pacifisme japonais et à l’histoire des Ryūkyū depuis 194524. Consultés en 2015, les habitants de Yonaguni ont voté en faveur de l’installation de la base des forces d’autodéfense japonaises par 632 voix contre 445. Mais l’accélération du déploiement de nouveaux équipements militaires (en particulier le déploiement de missiles à Yonaguni et dans l’île voisine de Ishigaki) inquiète certains résidents, qui craignent de devenir les premiers otages d’une conflagration régionale.
A la différence du gouverneur d’Okinawa Denny Tamaki, historiquement hostile à la présence américaine dans les îles du sud-ouest, le maire de Yonaguni, Kenichi Itokazu, élu en 2021, est notoirement pro-américain. Il a reçu sur l’île, le 17 mai 2024, Rahm Emanuel, ambassadeur des Etats-Unis au Japon depuis 2022, et le lieutenant général du Corps des Marines des États-Unis Roger Turner le 4 août, à l’occasion des manœuvres conjointes nippo-américaines Resolute Dragon 24. Il a été invité à Washington en septembre 2024. Interrogé par le Japan Times fin septembre 2024, il s’est exprimé sur une « éventualité taïwanaise » (« a Taiwan contingency ») , et les moyens à la fois de la dissuader ou, si nécessaire, d’y répondre. « Une éventualité taïwanaise [le risque d’un conflit] doit être dissuadée à tout prix, mais pour ce faire, nous devons être bien préparés à la dissuader.25» Il se déclare opposé à la politique américaine d’« ambiguïté stratégique » vis-à-vis de Taïwan26– mais Tokyo maintient de fait politique d’ambiguïté identique à celle de Washington. Itokazu envisage même que l’armée taïwanaise pourrait se joindre aux exercises nippo-américains sur l’île27. On en est encore loin28…
NOTES
1 離島 Ritou, « îles éloignées / Outlying Islands ». Cf. NG Samuel, « Islands of Influence: Japan’s Ritou and their Significance to Maritime Security », Australian Institute of International Affairs, 13 March 2024. URL: https://www.internationalaffairs.org.au/australianoutlook/islands-of-influence-japans-ritou-and-their-significance-to-maritime-security/
2 Comme dans la plupart des îles des Ryūkyū à l’exception d’Okinawa, la population de Yonaguni diminue, et est de plus en plus âgée.
3 McCURRYJustin, « The quiet Japanese island paradise on the frontline of growing Taiwan-China tensions », The Guardian,Friday 17 May 2024 .URL : https://www.theguardian.com/world/2024/may/17/yonaguni-island-japan-taiwan-china-relations ; JOHNSON Jesse, « Deterring Taiwan conflict is top priority for Japan’s ‘front-line’ mayor. Yonaguni Mayor Kenichi Itokazu », The Japan Times, Sep. 26, 2024.
4 Voir l’abondant dossier officiel du Japon sur les Senkaku : https://www.fr.emb-japan.go.jp/territory/senkaku/index.html »
5 Après le violent tremblement de terre qui a frappé l’est de Taïwan le 3 avril 2024 (magnitude 7.7 sur l’échelle de Richter) les vagues du petit tsunami subséquent ont atteint Yonaguni en 15 minutes. Cf. « Tsunami hit Japan’s Yonaguni Island 15 minutes after Taiwan quake », NHK,April 7, 2024. URL : https://www3.nhk.or.jp/nhkworld/en/news/20240407_09/
6 En particulier le détroit de Miyako, entre Okinawa et Miyakojima, principale voie d’accès au Pacifique. Ainsi en avril 2021 : un groupe naval chinois, formé autour du porte-avions Liaoning, traverse le détroit de Miyako, et y mène des manoeuvres dans les eaux proches de Taïwan, observé de près par la marine japonaise.
7 Cf., par ex. : « Chinese, Russian Warships Sail Around Japanese Islands », US Naval Institute News, July 30, 2024. URL : https://news.usni.org/2024/07/30/chinese-russian-warships-sail-around-japanese-islands ; « China aircraft carrier navigates Japan’s contiguous zone for 1st time », NHK, Sept. 18, 2024. URL : https://www3.nhk.or.jp/nhkworld/en/news/20240918_18/ . La zone contiguë se situe juste à l’extérieur des eaux territoriales d’un pays. En vertu du droit international, les navires d’autres pays sont autorisés à y naviguer, l’État côtier pouvant surveiller la non-commission d’actes illicites dans ses eaux territoriales. & : SATAM Parth, « China’s Liaoning Carrier Clocks 630 Aircraft Sorties, Appears in New Locations in Western Pacific », The Aviationist, October 4, 2024. URL : https://theaviationist.com/2024/10/04/liaoning-sorties-japan-mod/ . En réponse, le Japon commence à sortir de sa politique de retenue. Le 25 septembre 2024, le destroyer Sazanami de la Force d’autodéfense maritime (MSDF) a traversé le détroit de Taïwan, naviguant de conserve avec un destroyer australien et un ravitailleur néo-zélandais : c’est la première fois depuis 70 ans d’histoire de la marine japonaise. C’est une contre-mesure, en réponse à la traversée le 18 septembre de la zone contiguë du Japon par le porte-avions chinois Liaoning et sa flottille d’accompagnement. Il n’y a aucun problème juridique international concernant ce passage, mais son enjeu est évidemment géopolitique. C’est bien pourquoi Pékin a réagi de manière virulente, dénonçant un retour du militarisme japonais. En oubliant que le Sazanami a des liens historiques avec la Chine. En juin 2008, il était devenu le premier navire japonais des FDS à se rendre en Chine, pour décharger des secours destinés aux victimes du terrible tremblement de terre du Sichuan. Le contraste entre les deux missions du Sazanami en 2008 et en 2024 témoigne de la dégradation des relations entre le Japon et la Chine depuis l’accession au pouvoir de Xi Jinping. se sont considérablement aggravées.
8 MA Cheng-kun, TANG K.Tristan, « The Hidden Significance of China’s Aircraft Carrier Passage Near Japan’s Yonaguni Island », The Diplomat, Sept. 24, 2024. URL : https://thediplomat.com/2024/09/the-hidden-significance-of-chinas-aircraft-carrier-passage-near-japans-yonaguni-island/
9 Apparemment, les États-Unis et le Japon n’auraient pas installé à ce jour de système de surveillance sous-marine dans le détroit de Yonaguni, zone sous double juridiction taïwanaise et japonaise, les deux pays n’entretenant pas de relations militaires officielles. La Chine pourrait donc chercher à exploiter cette lacune en évitant les zones très surveillées situées le long de la première chaîne d’îles, pour accéder au Pacifique occidental sans être détectés ni traqués.
10 TIEZZI Shannon, « Japan to Station Troops on Yonaguni, Near Disputed Islands », The Diplomat, April 19, 2014. URL : https://thediplomat.com/2014/04/japan-to-station-troops-on-yonaguni-near-disputed-islands/ . La décision initiale de déployer des forces à Yonaguni découlait largement d’incidents survenus en 2011 entre garde-côtes japonais et navires de pêche chinois dans les Senkaku. Les ministres japonais de la Défense successifs se sont tous déplacés à Yonaguni pendant leur mandat.
11 Yonaguni était parfois surnommée la « two guns island », par référence aux deux seuls policiers présents dans l’île.
12 JOHNSON Jesse, « Deterring Taiwan conflict is top priority for Japan’s ‘front-line’ mayor. Yonaguni Mayor Kenichi Itokazu », The Japan Times, Sept. 26, 2024. Notoirement pro-américain, Itokazu a été élu en 2021.
13 « U.S. forces use civilian airport for Emanuel’s visit in Okinawa », Asahi Shimbun, May 17, 2024. URL : https://www.asahi.com/ajw/articles/15270691 ; et : «U.S. envoy to Japan makes landmark visit to front-line island near Taiwan », Japan Times, May 17, 2024.URL : https://www.japantimes.co.jp/news/2024/05/17/japan/politics/rahm-emanuel-yonaguni/ C’est la première fois qu’un avion militaire américain aterrissait à Yonaguni depuis la restitution par les Américains au Japon de la souveraineté sur les Ryūkyū en 1972.
14 « Historic First: 12th Marine Littoral Regiment Deploys Advanced Radar to Yonaguni for Resolute Dragon 24 », US Defense Visual Information Distribution Service, August 4, 2024. URL : DVIDS – News – Historic First
15 « Japan Plans to Develop New Radar System to Monitor Beyond Horizon. Govt Eyes Radar Use Around Yonaguni Island to Monitor Chinese Vessels », The Yomiuri Shimbun, July 6, 2024. URL : https://japannews.yomiuri.co.jp/politics/defense-security/20240706-197070/ . Les radars classiques à émission horizontale ont une portée d’une trentaine de kilomètres. Utilisant des ondes ultra-courtes suivant la courbure de la terre, l’OTH aurait une capacité de détection de plusieurs centaines de kilomètres. Installé à Yonaguni, il permettrait de surveiller les approches de l’archipel des Senkaku, à 150km.
16 NOBUHA Endo,« Japan’s Westernmost Island Yonaguni and Taiwan Dream of Renewed Bonds », Yomiuri Shimbun, February 16, 2023. URL: https://japannews.yomiuri.co.jp/society/general-news/20230216-91161/
17 Il n’a pas été rappelé, en revanche, que Yonaguni a prospéré en tant que plaque tournante de la contrebande entre le Japon et Taïwan après la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à ce que l’armée américaine, qui a contrôlé l’archipel d’Okinawa jusqu’en 1972, y mette bon ordre. Ce qui est d’ailleurs une des causes premières d’une véritable hémorragie démographique après la guerre. Toutes les Ryūkyū (sauf Okinawa) sont concernées par ce dééclin démographique, qui est un élément de faiblesse d’un point de vue militaire.
18 Au-delà des réticences notoires de Tokyo, le maire de Yonaguni, Kenichi Itokazu, élu en 2021, estime par ailleurs que les projets de développement des infrastructures de Yonaguni sont bridés par le gouverneur d’Okinawa. Le All Okinawa Kaigi est une coalition locale transpartidaire (conservateurs et progressistes) et de groupes civiques, créée par l’ancien gouverneur du parti libéral-démocrate (PLD) devenu indépendant Takeshi Onaga, auquel a succédé Denny Tamaki. Elle s’oppose à la fois à l’importance de la présence américaine à Okinawa et à la relocalisation de certaines bases américaines. Pendant 16 ans, Denny Tamaki a disposé d’une majorité à l’assemblée préfectorale : il l’a perdue aux élections de juin 2024, ne disposant désormais plus que de 20 sièges contre 28 à la coalition des partis pro-américains majoritaires à Tokyo (dont le PLD).
19 Cette promotion du tourisme à Yonaguni se heurterait cependant à l’absence totale à ce jour d’infrastructures d’accueil (hôtels, restaurants, transports), ajoutée aux ressources limitées, au-delà de quelques spots de plongée, et des aimables petits chevaux semi-sauvages autochtones (Yonaguni uma, 与那国馬. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Yonaguni_(cheval)
20 « Taiwan airline Apex Aviation has applied for permission to operate flights between Taiwan and Japan’s Yonaguni Island », Taiwan News, Sept. 18, 2024. URL : https://www.taiwannews.com.tw/news/5938106
21 Parmi l’exposé des motifs, des références explicites à la situation en Ukraine depuis 2022, et à la politique déjà ancienne de généralisation des abris en Finlande face à son grand voisin russe (soit plus de 50000 abris pouvant accueillir un total de 4,8 millions de personnes). La plupart de ces abris sont utilisés comme parkings ou comme stations de métro en temps normal.
22 The Yomiuri Shimbun, « Missile shelters planned for small islands near Taiwan to protect Okinawa residents », The Japan News, March 25, 2024. URL : https://asianews.network/missile-shelters-planned-for-small-islands-near-taiwan-to-protect-okinawa-residents/ ; « Japan Names Evacuation Locations Mainly in Kyushu for Okinawa Residents in Case of Taiwan Contingency », The Yomiuri Shimbun, June 4, 2024. URL : https://japannews.yomiuri.co.jp/politics/defense-security/20240604-189980/
23 ISHIKAWA Yukiko, « Japan’s Sakishima Islands at Risk in Tense Region. Civil Defense Preparations Underway in Yonaguni », The Yomiuri Shimbun, May 18, 2024. URL: https://japannews.yomiuri.co.jp/editorial/political-pulse/20240518-186617/
24 La population locale apparaît initialement assez partagée: consultés en 2015, les habitants de Yonaguni ont voté en faveur de l’installation de la base des forces d’autodéfense japonaises par 632 voix contre 445. KELLY Tim, KANEKO Kaori, TOYODA Yukiko, « Yonaguni. Japan’s frontier islanders decry lack of plan to aid Taiwanese fleeing attack », Reuters, December 5, 2023. URL : https://www.reuters.com/world/asia-pacific/japans-frontier-islanders-decry-lack-plan-aid-taiwanese-fleeing-attack-2023-12-05/
25 « A Taiwan contingency is to be deterred at all costs, but in order to do so, we must be well prepared to deter. » in : JOHNSON Jesse, « Deterring Taiwan conflict is top priority for Japan’s ‘front-line’ mayor. Yonaguni Mayor Kenichi Itokazu », The Japan Times, Sep. 26, 2024.
26 En vertu de cette « ambiguïté stratégique », Washington, qui n’entretient pas de relations diplomatiques formelles avec Taipei, exprime « un vif intérêt pour la sécurité de Taiwan » tout en évitant de promettre ouvertement de la défendre. Le président Biden a cependant exprimé à quatre reprises pendant son mandat que les Etats-Unis défendraient l’île en cas d’attaque chinoise.
27 « But I wonder if there are any Japanese politicians who have the gall and are willing to take that step./ Mais je me demande s’il existe des politiciens japonais qui ont le culot et sont prêts à franchir le pas. ». Ibid.
28 BURDY Jean-Paul, « Le Japon et Taïwan. Vers un « pivot taïwanais » de Tokyo ? » Questions Internationales no122, décembre 2023-janvier 2024, p.117-124. URL : https://lesmotsdetaiwan.com/2023/06/18/article-a-paraitre-jp-burdy-le-japon-et-taiwan-vers-un-pivot-taiwanais-de-tokyo-dans-questions-internationales-septembre-octobre-2023/

« Japan Westernmost point », Yonaguni