La première prise de parole du président Lai est devant la presse internationale, pour traiter des relations « entre les deux rives du détroit », donc avec Pékin (13 janvier 2024).

Annonce de la victoire du tandem LAI-HSIAO au siège du DPP, Taipei, 13 janvier 2024
Ce 13 janvier 2024, 19,5 millions de Taïwanais ont été appelés aux urnes réparties dans 17 794 bureaux de vote. Pour élire les 16es président et vice-président de la République, et les députés de la 11e législature. Le taux de participation s’est élevé à 71,86 % pour la présidentielle, soit une participation moyenne par rapport aux consultations précédentes comprises entre un minimum de 66 % et un maximum de 82 %. Les analystes estiment que l’érosion de la participation renvoie à une moindre mobilisation des jeunes électeurs, déçus par la politique intérieure du parti DPP sortant, sur les questions du logement, des salaires et des politiques sociales surtout. [On notera que si la majorité civile a été abaissée à 18 ans au 1er janvier 2023, l’âge pour l’exercice du droit de vote reste fixé à 20 ans.]
Présidentielle : le DPP l’emporte pour la troisième fois, avec le ticket LAI Ching-te et HSIAO Bi-khim

C’est la première fois depuis l’instauration de la démocratie à Taïwan qu’un même parti remporte trois fois de suite une élection présidentielle – une surprise donc, même si le candidat LAI Ching-te (alias William LAI) a toujours été donné en tête dans tous les sondages en 2023. C’est donc un succès pour le DPP, parti Vert, dit indépendantiste (en réalité autonomiste, mais « sécessionniste » pour Pékin). Même si le pourcentage et le nombre de suffrages obtenus par le tandem LAI-HSIAO sont sensiblement inférieurs à ceux qu’avait obtenu la présidente sortante TSAI Ing-wen en 2016 (56,12%) et en 2020 (57,13%). LAI a bénéficié de la division de ses opposants, incapables de former un ticket KMT-TPP à l’automne ; et peut-être aussi de la campagne de déstabilisation massive lancée par Pékin dans les dernières semaines, à coup de fake news sur les réseaux sociaux; de montages vidéos à grand renfort d’IA contre la présidente TSAi et la colistière HSIAO ; de séquences sur Tiktok dont et la langue utilisée, et les caractères en mandarin simplifié, signaient l’origine continentale ; de mobilisation d’agents d’influence infiltrés à Taïwan et/ou invités en Chine, etc. La visibilité parfois grossière des ingérences de la Chine a pu, dans une certaine mesure, bénéficier au candidat le plus éloigné de Pékin, et nuire au candidat pro-Pékin.

Le candidat du KMT, parti Bleu, HOU Yu-ih n’a donc pas réussi à redresser la barre d’une campagne médiocre selon les observateurs, et l’accusation plus ou moins directe d’être toujours dans un tropisme pro-Pékin , d’ailleurs bien incarné par son co-listier JAW Shau-kong. Le troisième homme, KO Wen-je, à la tête d’un parti fondé récemment (en 2019, dans la perspective des législatives de 2020), le TPP, n’a pas créé la surprise annoncée au début de la campagne, mais obtient un score tout à fait honorable après une campagne dynamique sur les réseaux sociaux: on le crédite du vote de nombreux jeunes déçus par le DPP sortant.
Législatives : le Kuomintang l’emporte d’un siège sur le DPP, mais c’est le TPP qui fera la décision

Le résultat aux législatives est serré, mais en tous cas décevant pour le DPP sortant, qui perd la majorité absolue au Yuan législatif à l’issue d’un scrutin qui additionne des candidats élus au suffrage direct, et des candidats élus sur des listes présentées par les différents partis. Le DPP obtient 51 sièges, le KMT 52 sièges. C’est donc le TPP de KO qui, avec ses 8 députés, fera pencher la balance pour créer – ou pas- une nette majorité législative. Le plus vraisemblable est que LAI Ching-te devra gouverner sans majorité, ce que le pays avait déjà connu au début des années 2000, sous les deux mandats du président CHEN Shui-bian (DPP), qui avait une majorité KMT face à lui. Ceci étant, le régime taïwanais étant semi-présidentiel, le président devrait avoir les mains relativement libres en politique étrangère, mais plus contraintes lors du vote des budgets militaires, en particulier.

Au bilan, on est passé, avec l’irruption du TPP, parti Blanc, d’un bipartisme majoritaire à un tripartisme dont il faudra apprécier s’il se confirme dans les prochains scrutins, et est capable de représenter une alternative au parti Bleu et au parti Vert.


En tous cas, cette élection du candidat DPP est un échec cuisant pour Pékin, qui a tout fait pendant la campagne pour discréditer LAI et promouvoir HOU. Mais qui, en réalité, aurait surtout préféré qu’il n’y ait pas d’élections démocratiques à Taïwan : un très mauvais exemple pour la population du Continent, qui explique que l’entrée « élections à Taïwan » ait été bloquée en Chine sur les réseaux sociaux ce 13 janvier. On attend donc les habituelles provocations militaires chinoises dans les prochaines semaines, coïncidant avec la venue éventuelle annoncée d’une « délégation informelle de bas niveau » du congrès américain; avec l’installation des députés taïwanais; et surtout lors de l’investiture du président LAI en mai prochain.

La démocratie vue par le quotidien nationaliste Global Times (Pékin) en décembre 2022
SOURCES (pour les graphiques)
Revue de la presse taïwanaise (Taipei News, Taipei Times, CNA, etc.).