De Téhéran à Riyad, la Chine s’affirme au Moyen-Orient, profitant du vide de puissance laissé par le « pivot asiatique » américain.


De Téhéran à Riyad, la Chine s’affirme au Moyen-Orient, profitant du vide de puissance laissé par le « pivot asiatique » américain.

Dans les études sur le Moyen-Orient, rares sont celles citant la Chine comme puissance régionale. Pourtant, et alors que la Chine célèbre volontiers les voyages de l’amiral Zheng He au XVe siècle (à Ormuz, en mer Rouge), les liens entre Pékin et le « Zhongdong » se sont fortement développés dans la dernière décennie. Avec non seulement des formes multiples de coopération, mais aussi un commerce intense (la Chine est désormais, de loin, le principal client des hydrocarbures du golfe Persique, qu’ils viennent de la rive arabe ou de la rive persane), des investissements multiples (ports et autres infrastructures, correspondant pour partie aux « routes terrestres et maritimes de la soie » de la Belt and Road Initiative, BRI) et une participation de plus en plus visible aux enjeux politiques et géopolitiques.

La Chine ne s’embarrassant nulle part de la démocratie et des droits de l’homme (« des notions occidentales », selon Pékin), elle apporte sans problème son soutien aux régimes autoritaires de la région (ce qui, évidemment, n’absout en rien les pays occidentaux, qui font souvent de même), surtout s’ils s’affichent comme « anti-hégémoniques » (comprendre : anti-américains) et anti-occidentaux. Mais Pékin veille à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, et entretient des relations politiquement non-conditionnelles avec Téhéran comme avec Riyad et Jérusalem, avec l’Algérie comme avec le Maroc, etc..

Plus encore que la Russie de Poutine, Pékin a su exploiter le désengagement américain du Moyen-Orient, décidé en 2011 par le président Barack Obama, au profit d’un « pivot vers l’Asie » annonçant l’affrontement systémique global entre les Etats-Unis et la Chine. Jusqu’à jouer le rôle de médiatrice dans les conflits, illustré de manière aussi spectaculaire qu’inattendue, par la signature à Pékin le 10 mars 2023 d’un document de réconciliation entre l’Iran et l’Arabie saoudite, qui avaient rompu leurs relations diplomatiques en 2016.

Le magazine Moyen-Orient no 58, avril-juin 2023, consacre son dossier central à ce sujet, sous le titre « Chine, puissance du Moyen-Orient ? ». 12 articles cernent à la fois l’ampleur, la diversité et les limites de la présence chinoise du Golfe à l’Atlantique. Voir le sommaire : https://www.areion24.news/produit/moyen-orient-n-58/


Réconciliation Téhéran-Riyad sous les auspices de Pékin, 10 mars 2023


« Au royaume des dictateurs, l’opportunisme est roi. Ainsi pourrait être interprétée cette nouvelle incroyable : le 10 mars 2023, la Chine a réussi à faire s’asseoir les deux géants du Moyen-Orient autour de la même table pour leur faire signer une réconciliation formelle. L’Arabie saoudite et l’Iran étaient sans relation diplomatique depuis janvier 2016 […] Ce même 10 mars, Xi Jinping voyait son mandat de président de la République populaire renouvelé et se présentait comme un « homme de paix » […] Peu habituée à gérer les crises politiques du Moyen-Orient, la Chine s’engouffre ainsi dans le vide laissé par les Etats-Unis pour se présenter comme puissance médiatrice. ».

Extrait de l’éditorial de Guillaume Fourmont en ouverture du dossier de Moyen-Orient consacré à la Chine au Moyen-Orient.


Dans cette livraison de Moyen-Orient, nous publions une analyse du rôle central des pasdaran dans le système iranien : JP.BURDY, « Iran : une « militarisation du régime » par les Gardiens de la révolution ?», Moyen-Orient no 58, avril-juin 2023, p. 78-83.


Zheng He, les voyages d’un amiral chinois en Indo-Pacifique au XVe siècle